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1/8: Une deuxième vie par le tri

« Jusqu’au début du siècle dernier, tout se recyclait, rien ne se jetait. Dans les années 1880, les ex-taulards, les clochards, les prostituées faisaient le tri des vêtements. C’étaient les chiffonniers qui récupéraient chiffons, peaux de lapin, os, verres, papiers. On en comptait des milliers, rien qu’à Paris. Aujourd’hui, d’autres font des affaires avec la fringue jetable. Développer la coopération entre les artisans locaux afin de travailler les matières textiles dans des conditions différentes qu’à l’usine et participer à la lutte contre le gaspillage est un acte de bon sens. » constate Maider, couturière

co-fondatrice d’O.H.


 

 

Face à la situation sanitaire et sociale débordante de déchets de la fin du XIXème siècle, la réponse politique fut la poubelle. Son utilisation changea leur gestion, leur conditionnement, leur destin et en conséquence celui des humains, producteurs et récupérateurs. Cette boite à ordures a masqué les odeurs, la saleté, mais aussi une consommation qui, décomplexée, deviendra immodérée, facilitera le renouvèlement des garde-robes, et, suscitera une surconsommation. Son apparition est-elle une coïncidence ou une anticipation de circonstance des pouvoirs publics de l’expansion productive des industriels du textile ?

 

Car, quelques années plus tard, la viscose issue de la cellulose naturelle traitée chimiquement, première fibre artificielle, puis les inventions de nouvelles matières synthétiques du siècle suivant augmenteront encore le nombre de déchets textiles. Ceux-ci constituent aujourd’hui la deuxième industrie la plus polluante de la planète après le pétrole auquel elle est liée. Leur recyclage, nouvelle matière textile fabriquée à partir de diverses autres, est une solution qui limite leurs dégâts. 

    A O.H, les vêtements, les tissus sont triés dans un autre but que leur recyclage. Ici, il s’agit d’une réutilisation, d’un réemploi par la récupération d’habits, de tissus cousus ou non, au mètre ou en coupon, et, de leur transformation par une couture innovante.  Un autre destin pour le textile, sa consommation, la santé de la planète. Une évolution économique, sociale et environnementale. 

 

    Le tri demande quelques dispositions innées ou à développer : ne pas avoir d’état d’âme, jeter les vêtements délavés, tâchés, troués, déchirés, déformés, fatigués, abimés dans des bennes de récupération, vérifier si récemment lavés, les sélectionner pour tous les goûts, les ranger par catégorie ou genre, par taille pour les enfants, les plier dans les contenants afin d’en réduire leur stockage, aérer le local pour qu’ils respirent…


Dans la boutique de la maison de couture, festival permanent, de matières, de formes, de couleurs, la métamorphose opère. Cousus par assemblage de plusieurs habits en un dans un style patchwork pratique et élégant, des vêtements transformés par des couturières coopératrices, vivent une nouvelle vie « sur -mesure ». Une singularité dans la  mode actuelle standardisée.

Une renaissance troublante et prodigieuse qui renouvelle l’offre des rayons. « T’es un chemisier ou une robe ? » demande un habit basique à une création couture. « Ni l’un, ni l’autre je suis transformée. »lui répond-t-elle. « Et ça te pose pas de problème ? » poursuit le premier perplexe. « Non, c’est chouette de se sentir encore utile. » se réjouit la création couture.« Cela devient même tendance. » renchérit une de ses voisines. « Ah ! Tu te crois immortelle désormais! » se moque l’habit. « Ma deuxième vie, je la dois au tri et à la nouvelle couture des fourmis de O.H. Voilà, c’est tout, mais c’est beaucoup.» conclut-elle philosophe.